24 avril 2024

Triptyque : la belle aux côtés de Louis XII

Passons maintenant au second personnage. Il s’agit bien évidemment d’une femme.

Là aussi, nous avons quelques indices.

Le premier figurait sur le panneau de Louis XII. Avez-vous remarqué ce motif noir sur le bord des manches et de la parmenture de son vêtement ? Il ressemble fortement au motif présent sur le blason de la belle et, bien évidemment, il me ramène à mes cours d’histoire où l’on apprend que l’hermine est une fourrure blanche réservée à la royauté et aussi un des symboles historiques de la Bretagne depuis 1316.

Voyons le haut du panneau :

A gauche, on retrouve donc les armoiries de la Bretagne et le mot Paix. Le personnage tient une quenouille symbole de :

  • la féminité ( « Casser sa quenouille » signifie pour une jeune fille la perte de sa virginité)
  • la fécondité
  • du temps et du destin. Elle est ainsi l’attribut des trois fileuses présentes dans la mythologie d’origine indo-européenne (moires grecques, parques romaines …).

Au XVème siècle, sont également publiés «Les Évangiles des quenouilles », recueil humoristique de recettes de bonne femme traditionnelles et d’anecdotes.

Au-delà des symboles liés à l’objet, n’oublions pas que la Bretagne a été un lieu majeur pour la culture du lin.

Plus de 35 000 personnes vivaient du lin en centre Bretagne du 17ème au milieu du 19ème siècle. Ces deux siècles et demi furent l’âge d’or de l’activité textile bretonne avec les célèbres «Toiles Bretagnes». De ce passé florissant, ne subsiste essentiellement qu’un patrimoine architectural singulier de « maison de marchands de toiles » à découvrir au fil de la route du lin et notamment à la Maison des Toiles de Saint-Thélo et à l’Atelier du Tissage à Uzel.

Prenons le temps d’examiner l’habit de la belle qui me semble donner pas mal d’informations sur l’époque du personnage.

Il s’agit de toute évidence d’un personnage de la fin du Moyen-Age, juste avant la Renaissance. Tiens, la même époque que Louis XII, quelle coïncidence !

Le vêtement au Moyen-Age

Le concept de la beauté parfaite apparaît au 13ème siècle, plus particulièrement en France et en Italie. La perfection du corps féminin devient plus importante. L’apparence extérieure prend également de l’importance. La femme idéale devait porter la tête inclinée vers l’avant, la poitrine aussi plate que possible, le ventre et les hanches mis en évidence et avancés vers le devant.

Le costume féminin au Moyen Âge présentait certaines caractéristiques générales : le haut du corps était gainé tandis que le bas était allongé par la traîne, la silhouette cambrée au niveau des reins, large sur les hanches, ajusté sur le buste.

Les coutures cintrées affinaient la taille. Petit à petit, les détails se multiplièrent : décolleté, coiffure, coudières et découpures… L’agrandissement du décolleté était une nouveauté.

Les femmes portaient une chemise ainsi que le blanchet en guise de sous-vêtements. La chemise était décolletée et comportait des manches. Elle était réalisée dans une toile fine ou en soie. Le blanchet, lui, était un costume long, qui pouvait servir de robe de chambre. Il était parfois doublé et fourré, parfois en toile.

La cotte fut remplacée par le corset. Il était constitué de manches courtes qui laissaient passer la chemise. Il était ouvert par une fente lacée. Habituellement, il était porté sous la robe mais pouvait aussi la remplacer.

Le surcot ouvert était un costume du Moyen Âge dont l’usage durera pendant près de deux siècles. Le corsage était fendu et largement échancré des hanches aux emmanchures, il laissait apercevoir la cotte, tandis que le devant formait une espèce de gilet recouvert d’hermine le plus souvent tout comme l’était la bordure des emmanchures.

Le décolleté, d’abord largement arrondi, devint triangulaire au cours du 15ème siècle. A la fin du 15ème siècle, le col carré plat devint à la mode sous l’influence de l’Italie. Le décolleté triangulaire pouvait atteindre la taille sur le devant et être bordé d’un tissu souvent noir, nommé tassel dont la présence permit de diminuer la profondeur du col et de le transformer en carré. Le touret de col dit aussi gorgias ou gorgerette était un tissu de gaze qui en recouvrait les bords.

Les deux sexes portaient la longue houppelande, boutonnée sur le devant avec de grandes manches serrées au niveau du poignet ou, au contraire, évasées.

Avez-vous remarqué le nombre de mots plus ou oubliés pour nommer les multiples couches d’habits portées par les femmes à cette époque ? Personnellement, je m’y perds un peu…

Si on prête attention aux gros plans, on peut distinguer au-moins trois couches de vêtements.

A cela s’ajoute la coiffe pointue avec le voile qui elle aussi est typique de la fin du Moyen-Age.

Rendu à la mode par Isabeau de Bavière, le « bonnet pointu », renommé le hennin (probablement issu du néerlandais henninck, qui signifie « coq »), était une coiffe féminine conique en forme de pain de sucre qui fit son apparition en France au Moyen Âge tardif, vers 1420, et se répandit ensuite en Italie, en Allemagne et dans les Pays-Bas bourguignons.

Il consistait en une étoffe légère (batiste) recouvrant un bonnet pointu en carton ou en fil métallique qui atteindra presque quatre-vingts centimètres en hauteur. Il était agrémenté d’un long voile ou de gaze fixé par du fil d’archal (un fil de laiton) au sommet du cône qui retombait généralement sur l’avant-bras gauche (la soie était utilisée pour les femmes les plus fortunées). La longueur du voile indiquait le rang social de sa propriétaire. S’il atteignait la ceinture, il était porté par une bourgeoise. S’il atteignait les talons, il était porté par l’épouse d’un chevalier. Et enfin, s’il trainait au sol, il était soit porté par la reine, soit par une princesse.

La chevelure était complètement cachée sous cette coiffe, et l’on n’hésitait pas à épiler toutes les mèches qui dépassaient.

Une variante apparut ensuite sous le nom de « coiffure papillon » où la forme du hennin n’était plus pointue au-dessus de l’arrière de la tête mais en cornes plutôt sur le devant de la tête ou bien on apposait du fil d’archal au bout d’un cône tronqué pour y faire redescendre le voile sous la forme d’un M au-dessus du front.

Le hennin ne tarda pas à atteindre des proportions tellement extravagantes qu’il devint l’objet d’ordonnances restrictives spéciales de la part de l’Église, mais c’est seulement au début du XVIe siècle que cette mode disparut.

Il reste aujourd’hui dans l’imaginaire comme la coiffe attitrée des princesses ou des fées.

Résumons nos indices pour ce deuxième personnage : une femme de haute lignée, attachée à la Bretagne, proche de Louis XII, symbole de paix et de concorde dans le royaume dont elle a été sacrée la mère…

Je propose :

Anne de Bretagne

Allons faire un petit tour du côté de sa biographie :

Anne de Bretagne, née le 25 ou 26 janvier 1477 à Nantes et morte le 9 janvier 1514 (à 36 ans) à Blois, est duchesse de Bretagne et comtesse de Montfort (1488-1514) et d’Étampes (1512-1514) et, par ses mariages, reine des Romains (1490-1491), puis de France (1491-1498), puis de nouveau reine de France (1499-1514) et reine de Naples (1501-1503) et duchesse de Milan (1499-1500 et 1501-1512).

La reine est un enjeu central dans les luttes d’influence qui aboutissent après sa mort à l’union de la Bretagne à la France en 1532. La noblesse bretonne, voulant préserver ses privilèges comme ses prérogatives, s’évertue alors à prouver par l’intermédiaire de l’historiographie régionale que sa dernière duchesse a résisté à cette annexion. Anne de Bretagne reste depuis lors dans la mémoire bretonne un personnage soucieux de défendre le duché face à l’appétit de la France. Parallèlement, elle est élevée dans la mémoire nationale comme un symbole de paix et de concorde dans le royaume dont elle a été sacrée la mère.

Reine de France

Par le mariage de 1491 avec Charles VIII, Anne de Bretagne est reine de France. Son contrat de mariage précise qu’il est conclu « pour assurer la paix entre le duché de Bretagne et le royaume de France ». Il fait de Charles VIII son procureur perpétuel. Le 8 février 1492, Anne est sacrée et couronnée reine de France à Saint-Denis.

Elle passe beaucoup de temps en grossesses (avec un enfant tous les quatorze mois en moyenne). Lors des guerres d’Italie, Anne de Bretagne est encore jeune et la régence est attribuée à Anne de Beaujeu. Elle n’a qu’un rôle réduit en France comme en Bretagne et doit parfois accepter d’être séparée de ses enfants en bas-âge.

Elle devient reine de Naples et de Jérusalem lors de la conquête de Naples par Charles VIII.

Trois jours après la mort de son époux, le principe du mariage avec Louis XII est acquis à la condition que Louis obtienne l’annulation de son mariage avant un an. Le contrat de son troisième mariage, en 1499 est conclu dans des conditions radicalement différentes du second. À l’enfant vaincue a succédé une jeune reine douairière et duchesse souveraine de l’État Breton désormais incontestée, en face de qui l’époux est un ancien allié, ami et prétendant. Contrairement aux dispositions du contrat de mariage avec Charles VIII, le nouveau lui reconnaît l’intégralité des droits sur la Bretagne comme seule héritière du duché et le titre de duchesse de Bretagne.

Anne avait hérité de ses prédécesseurs les emblèmes dynastiques bretons : hermine passante (de Jean IV), d’hermine plain (de Jean III), cordelière (de François II).

Emblèmes d’Anne de Bretagne et de Louis XII

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_de_Bretagne

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